Séance RIMs jeudi 27 janvier 2022 Paris-Nanterre

Séance RIMs jeudi 27 janvier 2022 Paris-Nanterre

Entre 13h et 18h

Salle 2 du bâtiment Max Weber de l’Université de Nanterre

Au programme :

Pluralisme monétaire et relations sociales : quelques cas médiévaux

Thibault Cardon (CNRS, UMR6273-CRAHAM)

Productions, techniques et matériaux d’un fondeur bruxellois du 15e siècle

Lise Saussus (FRS-FNRS, CRAN-UCLouvain et CRH/EHESS, C2RMF)

Qualités des alliages ferreux : une approche diachronique et statistique

Manon Gosselin (UMR7041-ArScAn et LAPA NIMBE/IRAMAT)

Résumés :

Pluralisme monétaire et relations sociales : quelques cas médiévaux

Thibault Cardon

CNRS, UMR6273-CRAHAM

Les monnaies sont ici considérées non comme un support neutre de l’économie, maiscomme des objets dont la matérialité est un ressort essentiel de leurs usages. Les fouillesarchéologiques sont à ce titre une source de premier plan puisqu’elles permettent, au prixd’une méthodologie adaptée, d’observer les monnaies réellement employées dans descontextes précis. Pourquoi choisit-on telle monnaie pour tel usage, et en quoi ce choix a-t-ilun sens ? L’étude fine de cas bien documentés permet d’aborder des usages aussi différentsque le paiement des salaires, la gestion des monnaies à l’échelle domestique, la formationdes dépôts monétaires ou le dépôt votif d’une monnaie dans une sépulture. Le but de cetravail est donc de mettre en place des clés d’interprétation en archéo-numismatique et desouligner les limites de ces hypothèses, mais aussi de proposer des pistes pour une lectureanthropologique des usages monétaires sur la longue durée. Les théories de l’anthropologieéconomique fournissent à ce titre des modes d’interrogation particulièrement efficaces. Danscette perspective, la dernière partie de ce travail est l’occasion d’une analyse plus théorique.Il s’agit de dégager les multiples facteurs faisant qu’une monnaie est toujours différented’une autre. Les monnaies sont ainsi organisées en systèmes de valeur qui sont loin d’êtrestrictement économiques ou dogmatiques, mais avec lesquels les acteurs peuvent sans cessejouer pour donner du sens aux situations. Les usages des monnaies peuvent alors êtreregroupés en cinq grands types qui sont autant de façons de considérer les rapports sociaux.La constitution même de la numismatique en tant que discipline paraît s’inscrire dans de telsschémas.

Bibliographie indicative

Beck P. 2014, Notes sur l’embauche et la rémunération du travail dans les métiers du bâtiment en Bourgogneà la fin du Moyen Âge : le chantier de reconstruction des pressoirs ducaux de Chenôve près de Dijon(1400-1404). In Beck P., Feller L., Bernardi Ph. (dir.) 2014, Rémunérer le travail au Moyen Âge. Pourune histoire sociale du salariat. Paris, Picard, p. 296-300.

Bompaire M., Dumas F. 2000, Numismatique médiévale. L’atelier du médiéviste 7. Brepols, Turnhout.

Cardon Th. 2021, Pour une approche anthropologique des usages monétaires médiévaux (France du Nord,XIIe-XVIe siècle), PUC, Caen.

Contamine Ph., Bompaire M., Lebecq M., Sarrazin J.-L. 2003, L’économie médiévale. Paris, 3e édition.

Coquery N, Menant F., Weber F. (dir.) 2006, Écrire, mesurer, compter, vers une histoire des rationalités pratiques. Ens, éditions rue d’Ulm, Paris.

Courtenay W.J. 1972, Token coinage and the administration of Poor Relief during the late Middle Ages.

Journal of Interdisciplinary History Review III, p. 275-295.

Jambu J. 2013, Tant d’or que d’argent. La monnaie en Basse Normandie à l’époque moderne (XVIe –

XVIIIe siècle). Presses universitaires de Rennes.

Labrot J. 1989, Une histoire économique et populaire du Moyen Âge. Les jetons et les méreaux. Paris.

Lardin Ph. 2007, Monnaie de compte et monnaie réelle : des relations mal étudiées. La monnaie, personnagehistorique. Revue européenne des sciences sociales XLV-137. p. 45-68.

Moesgaard J.-C. 2006, Single finds as evidence for coin circulation in the Middle Ages – status and perspectives.In Horsnæs H., Moesgaard J.-C. (dir.) 2006, 6th Nordic Numismatic Symposium. Single Finds : the NordicPerspective. The Nordic Numismatic Journal 2000-2002, Copenhague., p. 228-275.

Spufford P. 1988, Money and its use in medieval Europe. Cambridge University Press, Cambridge

Thuillier G. 1983, La monnaie en France au début du XIXe siècle. Hautes Études Médiévales et Modernes 51, Paris.

Todeschini G. 2004, Richesse franciscaine. De la pauvreté volontaire à la société de marché. Verdier, Paris.

Travaini L. 2004, Saints and Sinners : Coins in medieval Italian Graves. The Numismatic Chronicle 164, p. 159-181.

Productions, techniques et matériaux d’un fondeur bruxellois du XVe siècle

Lise Saussus

postdoctorante DIM-MAP – CRH EHESS/C2RMF, chargée de cours UCLouvain

Une fouille archéologique menée à Bruxelles il y a près de trente ans a permis la découverte de déchets d’une activité métallurgique établie dans le premier tiers du XVe siècle, à la rue Notre-Seigneur. Le site livre plus de 2 000 fragments de moules de fonderie en terre cuite associés à quelques fragments de creusets, de rares vestiges d’un four et du combustible. S’y ajoutent des chutes métalliques, témoignant surtout du travail de fonderie, mais aussi de la déformation plastique. Unique pour la région, rare ailleurs en Europe, cet ensemble permet d’approcher un atelier produisant en série et en masse quantité de petits objets en laiton. Il permet également de s’intéresser aux techniques de fonderie utilisées, à la nature et à l’élaboration des matériaux mis en œuvre.

Cette contribution se concentre principalement sur les pratiques de l’atelier et ses approvisionnements. Des analyses élémentaires des chutes de fonderie et de découpe ont été réalisées par PIXE, afin de connaître la composition des alliages mis en forme. Elles révèlent différents groupes d’alliages, selon la nature des objets produits et leur technique de fabrication. La composition élémentaire des terres des moules, des creusets et des parois de four a été analysée au MEB-EDS. La terre des creusets, très polluée en métal, est caractérisée par des teneurs significatives en zinc, suggérant l’élaboration du laiton par cémentation dans l’atelier. Ces analyses de terre, couplées à des examens pétrographiques en lames minces, renseignent sur les propriétés des terres utilisées et sur leurs approvisionnements, aussi bien locaux que régionaux. Cette étude permet de documenter des pratiques d’atelier au niveau local, mais aussi de comparer cet ensemble à d’autres vestiges semblables en Europe, par exemple à Paris et à Pise, et dont la rareté doit être soulignée.

Orientations bibliographiques :

Carrera F.M.P., 2015, Gli scavi degli Ex Laboratori Gentili a Pisa e i manufatti in lega di rame, secoli XII-XIV. Organizzazione delle aree di lavorazione, tecniche produttive e commerci, Thèse de doctorat, Università di Pisa, Pise, 679 p.

Egan G., 2006, « Archaeological evidence for craft working in London c. 1100-1800 », dans Gläser M. (éd.), Lübecker Kolloqium zur Stadtarchäologie im Hanseraum V : Das Handwerk, Lübeck, Schmidt-Römhild, p. 47‑69.

Saussus L., Goemaere É., Thomas N., Leduc T., Goovaerts T., et Fourny M., 2021, « L’atelier d’un fondeur de laiton à Bruxelles au début du XVe siècle : production, matériaux et approvisionnements (RBC) », Archaeologia Mediaevalis. Chronique, 44, p. 106‑108.

Thomas N., 2009, Les ateliers urbains de travail du cuivre et de ses alliages au bas Moyen Âge : archéologie et histoire d’un site parisien du XIVe siècle dans la Villeneuve du Temple (1325-1350), Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 974 et 285 p.

Qualités des alliages ferreux : une approche diachronique et statistique

Manon Gosselin1,2 – Yohann Tendero3 – Danielle Arribet-Deroin4 – Gaspard Pagès1 – Florian Téreygeol2 – Philippe Dillmann2

1UMR7041, ArScAn, Equipe GAMA, MAE, Université de Nanterre

2LAPA-IRAMAT, NIMBE, CEA, CNRS, Université Paris-Saclay, CEA Saclay 91191 Gif-sur-Yvette France

3IPSA, Lyon

4LAMOP, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne

Les études historiques, archéologiques et archéométriques menées jusqu’alors montrent la grande diversité des alliages ferreux anciens, chacune dans un contexte spatio-temporel précis. Notre recherche vise à s’inscrire dans un temps long afin de décrire et définir les natures et les qualités du fer et de ses alliages et en évaluer la diversité de l’Antiquité au début de l’Epoque moderne en Europe Occidentale. Pour ce faire, plus d’une centaine de demi-produits, matériaux intermédiaires entre la masse brute de réduction et l’objet fini, ont été étudiés. Issus d’un ensemble de sites en Méditerranée Nord-Occidentale et en Haute-Normandie, ils permettent de couvrir l’ensemble de la période considérée et de refléter l’évolution des procédés techniques sidérurgiques.

La méthodologie employée, reproductible et répétable, met en relation la nature du métal – déterminée par des analyses métallographiques – et ses propriétés mécaniques évaluées par des analyses de microdureté et par des essais de traction uniaxiale. La conception d’un algorithme semi-automatique basé sur du traitement d’images permet de diminuer par trois le temps dédié à l’interprétation des analyses métallographiques. Ces études fournissent des données quantifiables et comparables pour appréhender la notion de qualité du point de vue du matériau.

Quelle que soit la période considérée, les matériaux produits et en circulation présentent une grande diversité. Néanmoins, quelques spécificités ont pu être pointées par site ou par période. Afin de saisir l’origine d’une telle variabilité, les résultats des analyses site par site, couplés aux résultats de la bibliographie, ont été comparés de manière diachronique et rapprochés aux questionnements historiques. Cette approche inédite, comparatiste et statistique, a permis de saisir l’impact des conditions opératoires et techniques sur la nature du métal et d’éclairer la façon dont les métallurgistes antiques et médiévaux percevaient la nature du métal qu’ils produisaient et travaillaient pour l’adapter à un usage spécifique.

Bibliographie :

Arribet-Deroin, D., 2010. “Une industrie normande au début du procédé indirect (1450-1600) : la sidérurgie du pays de Bray et l’usine à fer de Glinet” (Arnoux, M. & A.-M. Flambard-Héricher, Éd.)La Normandie dans l’économie européenne (XIIe-XVIIe siècle). Actes du colloque de Cerisy-la-Salle (4-8 octobre 2006).

Bauvais, S., 2007. Evolution de l’organisation des activités de post-réduction dans le Nord du Bassin Parisien au second Age du fer : études multidisciplinaires de la chaîne opératoire en métallurgie du fer, Thèse de doctorat – Histoire Sociale et Archéologie, Université de Technologie de Belfort Montbéliard / Université de Besançon, Belfort.

Berranger, M., 2009. Le fer, entre matière première et moyen d’échange, en France du VIIe au Ier s. av. J.-C. Approches interdisciplinaires. Thèse de doctorat, Paris I, Paris.  

Fluzin, P., Berranger, M., Bauvais, S., Pagès, G., Dillmann, P., 2012. “An archaeological and archaeometrical approach of ferrous semi-product: typology, quality and circulation”, dans Acta Mineraria et Metallurgia, Studi in onore di Marco Tizzoni, Constanza, C. (éd.), Notizie Archeologiche Bergomensi, Bergame, Vol. 20p. 195‑204.

L’Héritier, M., 2007. L’utilisation du fer dans l’architecture gothique. Les cas de Troyes et de Rouen.. Thèse de doctorat – Archéologie, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Paris.

Pagès, G., 2008. La métallurgie du fer en France méditerranéenne de l’Antiquité au début du Moyen Âge : jalons d’une approche interdisciplinaire. Thèse de doctorat – Archéologie, spécialité mondes classiques et cultures indigènes. Université Montpellier III, Paul Valéry.

Téreygeol, F., 2017. Le Castel-Minier : document final de synthèse 2017.

Verna, C., 2001. Le temps des Moulines. Fer, technique et société dans les Pyrénées centrales (XIIIe – XVIe siècles), Publications de la Sorbonne, Paris.